samedi 18 octobre 2008

Samedi matin

Samedi matin. Je me réveille. La place à côté de moi est vide. Mauvais présage. Il est 6h10 et mon mari, Ben, est déjà levé. Arthur, notre fils est en train de chouiner, c'est ce qui m'a réveillée. Je me lève et vais dans sa chambre, un peu agacée que Ben, s'il est levé, ne prenne pas la peine d'aller le voir. Enfin, il n'a peut-être pas branché le moniteur du salon. Arthur est réveillé mais je ne le sors pas de son lit. Je lui mets sa petite musique et ressors de la chambre. Ensuite je cherche Ben. Il est à l'ordinateur et apparemment, il travaille. Je lui demande s'il va bien et ce qu'il fait debout. Il est levé depuis une demi-heure, réveillé par un mal de ventre et après avoir passé 15 minutes aux toilettes, a décidé que ça ne valait pas la peine de se recoucher. Je lui fais un petit signe coquin de mon index entraînant pour lui dire "Viens te coucher tout près de moi". A mon avis pas très tenté mais tout de même, il finit par me rejoindre au lit.
Coït. Assez rapide. Remauvais présage.
Alors que je traîne au lit parce que d'une part je suis bien à côté de lui et que d'autre part je suis fatiguée, il se lève, me dit qu'il a froid et qu'il va faire des pancakes. Soit. Je traînasse encore un peu, vaguement consciente du fait que la matinée s'annonce triste. Ben est dans son humeur mauvaise et je ne vais pas tarder à l'y rejoindre.
Tout du moins je résiste. Je vais cette fois chercher Arthur qui chantonne dans son lit, change sa couche, lui brossouille les dents, pas convaincue (parce que c'est Ben qui fait ça, moi je me brosse toujours les dents après le petit-dej mais bon chacun son truc et je n'ai pas envie de le contrarier ce matin) et je l'emmène voir son père. Celui-ci lui propose un morceau de pancake qu'il engloutit d'un trait et manque de se jeter sur la poêle afin de continuer cette aventure gustative. Je l'assois sur sa chaise haute et coupe en petits morceaux ledit pancake devant cet ogre affamé. Puis, nous mangeons.
Ah! J'ai oublié de préciser que pendant la cuisson, Ben me dit que tiens c'est marrant, il repense à une remarque que ma mère lui a faite. Quand il l'a remerciée de nous avoir payé les billets d'avion pour noël et qu'il lui a dit "je n'oublierai pas", elle aurait répondu "j'espère bien". Immédiatement sur mes gardes et vaguement consciente du fait qu'il ne faut pas tomber dans le piège, je réponds "ah bon? et elle ne plaisantait pas?", "je ne sais pas mais elle l'a dit, et c'est bizarre, j'espère que je ne vais pas payer trop cher ce cadeau". "Oui c'est bizarre". Et je me tais. Ne rentrons pas dans la polémique.
Troisième mauvais présage.

Nous mangeons donc, dans cette ambiance gaie et joviale. Puis, la remarque. "Tu ne crois pas qu'Arthur mange trop en ce moment?". "Euh... Je sais pas. Non je ne trouve pas mais je peux demander à la pédiatre la prochaine fois si tu veux". "Je te demande ton avis et toi tu ne sais pas, c'est du bon sens, pas besoin de pédiatre, t'es pas capable de me dire ce que tu en penses. Pour sa taille, il mange trop, à ce rythme là il va devenir obèse, un pancake et demi, c'est énorme pour lui, plus son biberon après..." "Il est tout à fait normal, ça se verrait s'il mangeait trop, et puis ce n'est que des bonnes choses..." "ça ne change rien, etc, etc, etc". Etc.

Un matin comme ça. Suite prévisible. Selon lui, je fais exprès de le contredire, je ne dis pas ce que je pense. Moi j'ai envie de pleurer, j'en ai marre de ne pas réussir à m'exprimer clairement, je me contredis c'est vrai, il est frustré, moi aussi.

Et puis... STOP.
Tout à coup, je me rends compte. Et je lance "tu veux que je sois tout à fait honnête avec toi? Depuis ce matin, tu cherches exactement ça, cette scène, eh bien bravo tu l'as eue. "Attends je me lève et je fais des pancakes et je cherche les problèmes?" "tu veux une médaille?"

ETC

Il fait la vaisselle --qu'il avait commencée avant même que j'aie fini mon café, atirant forcément Arthur dans le lave-vaisselle (il a 15 mois et le lave-vaisselle est une des choses qu'il affectionne particulièrement) et m'obligeant ainsi à me lever et faire diversion, donc m'empêchant de boire mon café tranquillement, ce que je peux rarement faire puisque d'habitude je suis seule avec Arthur le matin --, va prendre sa douche, s'habille et m'annonce "je vais au bureau, j'ai un truc à finir". "Tu rentres à quelle heure?" "13h- 14h". "Essaye de rentrer avant 16h parce que j'ai besoin de la voiture après pour mon baby-sitting (j'expliquerai bientôt pourquoi je fais du baby-sitting).

Il se casse. On est samedi. Même routine que tous les autres jours pour moi. Laver Arthur, l'habiller, mettre un peu d'ordre dans la maison, me doucher, m'habiller et sortir avec lui nous promener car il ne fait sa sieste qu'une fois la promenade accomplie.

Je réfléchis. Ben m'a cherchée, c'est évident. Depuis le lever. Mais pourquoi? Il a utilisé les sujets délicats: le fait qu'il ne se relaxe pas, ma mère, puis la façon dont nous nourrissons notre enfant. Jusqu'à l'engueulade. Prévisible.

Comment faire pour que des matinées comme ça ne se reproduisent pas? Comment trouver ce qui le tracasse au point d'agir comme ça? Pourquoi je démarre au quart de tour? Comment arrêter la machine?

Séance finie? Zut!

mercredi 15 octobre 2008

Pourquoi première séance?

Pourquoi avoir intitulé ce blog "première séance"? Pour plusieurs raisons.

La première c'est que j'ai désespérément besoin de parler. Ou plutôt de me vider. Or, étant donné que je ne suis pas dans mon pays natal, je n'ai pas envie d'aller consulter. J'ai déjà du mal à parler dans ma propre langue, c'est pas pour aller le faire in English. D'ailleurs c'est un de mes gros problèmes. Bref. Je compare donc ce blog à une séance chez le psy. C'est totalement inexact car premièrement la séance est gratuite, deuxièmement si c'était vraiment le cas je ne serais pas en train d'expliquer pourquoi par exemple j'ai intitulé mon blog "première séance", ce qui ne relève pas du tout d'une quelconque analyse de mes comportements, quoique, troisièmement ce psy imaginaire ne me répond pas, ce qui pose quand même un petit problème dans le travail analytique. Ne vous étonnez pas, quand je dis "vous", c'est à lui que je parle (sauf dans cette phrase même, en l'occurrence). Alors bon aujourd'hui, mon texte est gentillet, totalement dénué de désespoir et d'agressivité, mais ça pourrait devenir trash, un jour. Quand ça va pas, j'écris que des trucs dégueulasses et après je me sens beaucoup mieux. Un peu comme quand on va chez le psy quoi.



La deuxième raison, c'est que j'ai eu beaucoup de mal à me lancer. Pour le blog. Ca fait plusieurs mois que je tergiverse. Comment commencer un blog? Quoi mettre dedans? Pourquoi penser que mes petits problèmes existentiels peuvent intéresser qui que ce soit? De quoi parler? Mon expérience en tant qu'expat aux States? Mon expérience en tant que jeune femme mariée? Mon expérience en tant que mère? Mon expérience en tant que mère au foyer? Mon expérience en tant que femme au foyer qui ne veut pas être une femme au foyer mais qui quand même se dit que c'est bien pratique pour s'occuper de son gamin? Mon expérience en tant que fille de parents qui détestent mon choix de vie parce qu'ils voudraient m'avoir pour eux tout seuls tout près d'eux, dans le même pays, dans la même ville, dans la même rue, voire même dans la même maison? Mon expérience en tant que personne mal dans sa peau mais quand même un peu bien et quand même pas trop mal? Mon expérience en tant que cherchant ma vie professionnelle?

Tout ça pour dire que commencer un blog c'est comme une première séance chez le psy: Mais qu'est-ce que je vais bien pouvoir lui dire? Personne ne vous a forcé, personne ne vous y oblige, vous ne savez pas bien à quoi ça sert mais vous y allez quand même. Et je sais de quoi je parle parce que c'est bien parce que mon psy me manque, le vrai celui d'avant de quitter la France, celui de quand j'avais une vie de parisienne active et fashion, que j'écris ces lignes...



La troisième raison c'est que j'aimerais bien vous la raconter ma première séance, la vraie mais que je sais pas, peut-être un jour... Pour l'instant j'ai bien trop à dire de l'instant présent pour parler du passé (genre!). Parler d'elle serait parler de moi et ça j'ai beaucoup beaucoup de mal à le faire. On dirait pas hein? Ben si et c'est horrible et c'est pour ça que je suis là. Tout l'intérêt de voir un psy c'est qu'il est là pour que vous lui disiez les pires pensées de vos pires moments. Alors, attendez-vous au pire!

mardi 14 octobre 2008

Il est calme!

Ce matin au parc, alors que mon fils "me promenait" (c'est plus moi qui le suis que le contraire), une jeune femme est arrivée, portant sur son ventre dans un porte-bébé sa fille. En bonne américaine, elle engage tout de suite la conversation (la facilité avec laquelle ce peuple entame le dialogue m'épate toujours). Une des premières choses qu'elle me dit est que sa fille est timide. En effet, la petite, plus jeune que mon fils de deux mois seulement enfouit sa tête dans le tee-shirt de sa mère. Lui par contre, comme d'habitude fait son numéro de charme.
Elle me confie ensuite que les gens lui disent souvent que sa fille est calme et qu'elle leur répond qu'elle ne l'est guère à la maison, semblant se défendre de quelque chose.

Dingue. Je m'identifie immédiatement à elle. Ce sujet m'a occupé l'esprit de longues journées. Quasiment toutes les personnes entrant en contact avec mon fils le trouvent calme. Or, jusqu'à il y a peu, je prenais ces remarques pour des critiques négatives, qui plus est dirigées à mon endroit. Je me défendais perpétuellement. Soit en répondant comme cette jeune femme qu'il n'était pas comme ça "en privé" soit en expliquant que "les chiens ne font pas des chats".

J'en ai souffert en fait. Parce que je ne voulais pas qu'on "étiquette" mon bébé comme on m'avait étiquettée. Je ne voulais pas qu'on le prenne pour un mou, pour un timide, un lent, voire un con. Mon histoire quoi! A travers lui c'est encore moi que l'on agressait. Et ce fait même m'était insupportable. La peur que mon problème devienne le sien.

Et puis, j'ai été confrontée à deux enfants hyperactifs. Pas longtemps; ça m'a suffi. L'effet de fatigue immédiat que ses enfants ont créé sur moi m'a fait réaliser que le qualificatif de "calme" que l'on attribuait au mien exprimait plutôt une jalousie, une envie. Et en effet, quel bonheur! Un gamin qui en dix minutes est monté et redescendu de la table une bonne cinquantaine de fois, ne s'est pas arrêté dix secondes pour regarder ce que vous lui montriez, n'a pas pris le temps simplement de vous regarder est pour moi synonyme d'enfer. Mon petit bonhomme qui écoute attentivement quand je lui raconte une histoire, me regarde dans les yeux quand je fais le clown, s'assoit près de moi quand je dessine et observe un endroit et des gens qu'il ne connaît pas longuement avant d'être lui-même, c'est une bénédiction!

Alors je lui ai dit à cette mère: "Avant j'étais comme vous, mais aujourd'hui je suis fière. Tant mieux pour eux s'ils sont posés..." J'espère avoir mis un peu de soleil dans sa journée. Maintenant quand on me dit que mon fils est calme je réponds avec une lueur dans le regard : "oh oui!" d'un air qui signifie impétueusement "et pour ça aussi, il est formidable !".

lundi 13 octobre 2008

Tu es heureuse ?

Aujourd'hui. Mon mari, mon fils et moi nous promenons tranquillement. Belle journée d'octobre. J'observe la lumière s'échappant des fenêtres de maisons inconnues; parfum d'automne, une promesse d'hiver se dessine, j'entrevois le coin du feu, la dinde et le vent froid qui rend les joues roses. Mon mari me demande soudain : "Ca va? Tu es heureuse?".


Je le regarde, surprise par la question, cherchant dans ses yeux une marque de plaisanterie, laisse échapper quelques secondes et réponds : "oui". Mais non.


Non. Je ne suis pas heureuse. Je n'aime pas cette question. C'est celle de mon père, qui doit penser se défaire d'une culpabilité cachée en me forçant implicitement à lui répondre inlassablement "oui". Comment pourrais-je avouer le contraire ? Je ne sais même pas ce qu'il en est vraiment.


A mon mari, je ne peux répondre en toute honestie car il est trop lié à ma situation et qu'il en est en partie responsable. A mon père, finalement, c'est la même chose. Me demandent-ils vraiment quelque chose ou cherchent-ils à se rassurer eux-mêmes? Mon père, c'est sûr, deuxième option. Dans son "Tu es heureuse ?" j'entends "Ai-je fait de toi quelqu'un de bien ?". Mon mari c'est différent.


En tout cas. Ma situation ne me satisfait pas. Je ne travaille pas. Je m'occupe de mon fils, encore tout petit. Et je m'ennuie. Je ne corresponds pas à la femme que j'aimerais être. Et pourtant, ça ne dépend que de moi. C'est bien le plus difficile, les choses qui dépendent de moi. Je suis complètement dépendante. Vous m'aviez dit un jour que c'était normal, qu'il fallait l'accepter. Je ne sais pas ce que je fous. Je change d'avis tout le temps, m'enthousisasme pour des choses et me retrouve sans énergie dans l'heure qui suit. Je prends des décisions en vitesse après avoir pourtant réfléchi des heures. Je n'arrive pas à me focaliser sur quelque chose et m'y tenir. Je vis dans un rêve. Dans une illusion.


En fait, c'est dur d'écrire sans barrières.


Je crois que je me méprise. J'ai honte de moi. Je ne suis pas fière de moi. C'est ce qui me handicape le plus dans la vie. Je prends soin de mon fils en pensant à ce que je pourrais faire à la place et que je ne fais pas. Du coup, j'ai l'impression de ne pas être disponible pour lui même en étant avec lui toute la journée. Des fois, je me dis qu'il s'ennuie, alors qu'il est tout petit. Et quand je vois qu'il préfère son père à moi, ça m'agace et j'ai beau me dire que tant mieux, il adore son papa, je suis jalouse mais je crois que quelque part ça me conforte dans mon schéma. C'est normal puisque je ne suis pas entièrement heureuse d'être tout le temps avec lui. Moi je serai toujours en deuxième position. Je pensais à cette phrase ce matin: "il y a ceux qui réalisent leurs rêves et il y a ceux qui réalisent ceux des autres". Moi c'est deuxième choix.